La Dormition de Notre-Dame la Très Sainte Mère de Dieu
La troisième des grandes fêtes d’été est la
commémoraison de la mort de la Bienheureuse Vierge Marie, appelée en langage
liturgique la « Dormition » de Notre-Dame. C’est, du point de vue liturgique,
la plus importante des fêtes de la Vierge. Elle est précédée par un jeune de
deux semaines, le « Carême de la Mère de Dieu », analogue a celui qui précède
la fête de Saint Pierre et Saint Paul ; ce carême commence le 1er
août et dure jusqu’au 14 août inclus. La fête elle-même à lieu le 15 août.
Beaucoup de traits de cette fête sont empruntés a d’autres fêtes de
la vierge .ainsi l’évangile de matines est celui qui relate la visite de Marie à
Elizabeth (Luc 1 :39-56). L’épître (Philippiens 2 :5-11) et l’évangile (Luc 10
:38-43, 11 :27-28) de la liturgie sont ceux que nous lisons le 8 septembre, le
jour de la Nativité de Marie ; nous prions nos lecteurs de se reporter a ce que
nous avons déjà dit de ces textes. On remarquera que les portions de l’Écriture
lues le 15 août ne font aucune allusion a la mort de la Sainte Vierge. C’est
dans les chants des vêpres et des matines qu’il faut chercher la signification
particulière que l’Église attribue à la fête du 15 août.
Cette signification est double. Elle se trouve exactement exprimée dans
cette phrase chantée aux vêpres : « La source de vie est mise au sépulcre et
son tombeau de vient l’échelle du ciel ». La première partie de la phrase – «
la source de vie est mise au sépulcre » - indique que nous commémorons la mort
de la très sainte Vierge. Si nous célébrons pieusement, chaque année, les
anniversaires de la mort du Précurseur, des apôtres et des martyrs, a plus
forte raison célébrons-nous la mort de la Mère de Dieu, qui est aussi notre
mère, et qui dépasse en sainteté et en gloire tous les élus. Mais la fête du 15
août est plus que la commémoraison de la mort de Marie. La deuxième partie de
phrase dit : « … et son tombeau devient l’échelle du ciel ». La tombe de
quiconque est mort dans le Christ est, d’une certaine manière, une échelle qui
conduit au ciel. Cependant le cas de Marie est exceptionnel. Les textes
liturgiques que nous chantons impliquent autre chose : « Ouvrez larges vos
portes et… accueillez la Mère de la lumière intarissable…Car, en ce jour, le
ciel ouvre son sein pour la recevoir… Les anges chantent ta très sainte
Dormition… que nous fêtons avec foi… Que tout fils de la terre tressaille en
esprit… et célèbre dans la joie la vénérable Assomption de la Mère de Dieu ».
On le voit, il ne s’agit pas seulement de la réception de l’âme de Marie dans
le ciel. Quoique la fête du 15 août porte pas, dans le calendrier liturgique
byzantin, le nom de fête de l’Assomption (comme c’est le cas dans l’Église
latine), nos textes expriment la croyance, le corps de Marie n’a pas connu la
corruption qui suit la ,mort ; il ‘est pas resté dans le tombeau ; Marie
ressuscitée a été transportée au ciel par les anges (l’Assomption diffère de
l’Ascension en ce que le Christ s’est élevé lui-même au ciel).
L’Assomption de Marie est située en dehors – et au-dessus – de l’histoire.
La croyance en l’Assomption ne s’appuie ni sur un récit biblique, ni sur des
témoignages historiques scientifiquement recevables. Elle n’a été l’objet
d’aucune définition dogmatique. L’Église n’a, jusqu’ ici, imposé a aucun fidèle
d’affirmer le fait de l’Assomption corporelle de Marie. Mais, si l’affirmation
(intérieure ou extérieure) n’est pas exigée par l’Église, on peut dire que la
conscience orthodoxe considérerait la négation active de l’Assomption non
seulement comme une témérité, mais comme un blasphème. D’ailleurs, comment nier
un fait qui n’est susceptible d’aucune vérification historique ? La croyance en
l’Assomption ne se fonde pas sur des preuves documentaires. La conscience
catholique, éclairée par le Saint-Esprit, s’est peu-peu persuadée que, si le
salaire du péché, c’est la mort », Marie a dû remporter sur la mort une
victoire spéciale. Ainsi que Jésus (et toutes proportions gardées), elle a été
glorifiée dans son corps. C’est cette glorification de la toute pure et toute
sainte Mère de Dieu dans son âme et dans sa chair – et non point tel ou tel
symbolisme matériel et telles ou telles circonstances historiques – qui
constitue l’objet de la fête du 15 août.
L’Assomption est la fête, non seulement de Marie, mais de toute la nature
humaine. Car, en Marie, la nature humaine a atteint sa fin. Une semaine après
le début de l’année liturgique nous célébrons la naissance de la très Sainte
Vierge. Deux semaines avant la fin de l’année liturgique, nous célébrons la mort
et la glorification de Marie. Ainsi, associé et subordonné au cycle de la vie
de Jésus, le cycle de la vie de Marie manifeste le destin et le
développement d’une nature humaine entièrement fidèle à Dieu. Avec Marie, c’est
le genre humain qui est emporté et reçu au ciel. Marie a des privilèges qui ne
peuvent pas être les nôtres. Mais ce parfait épanouissement de la grâce en
Marie, que nous admirons le 15 août, nous suggère quelle pourrait être la ligne
de développement d’une âme qui s’appliquerait à faire fructifier en elle-même
les grands dons reçus au cours de l’année liturgique, - le don de Noël, le don
de Pâques, le don de la Pentecôte.
Extrait du livre L'An de grâce du
Seigneur,
signé « Un moine de l'Église d'Orient »,
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.