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l'orthodoxie en haiti
19 juillet 2009

L'allocution du patriarche oecuménique de Constantinople Bartholomée à Lyon

TEXTE DE L’ADRESSE DE SA SAINTETE BARTHOLOMEE 1ER
PATRIARCHE OECUMENIQUE DE CONSTANTINOPLE
LORS DE LA DIVINE LITURGIE DOMINICALE DU 19 JUILLET 2009
A L'EGLISE ORTHODOXE DE L'ANNONCIATION DE LA MERE DE DIEU
(RUE DU PERE CHEVRIER – LYON)

Mes chers enfants bien aimés en Christ,
Nous rendons grâce au Seigneur en tout temps et en tout lieu,
Nous rendons grâce au Seigneur qui, une nouvelle fois encore, nous a permis de nous retrouver, tous ensemble, "en Église", membres d'un seul Corps, pour prier ensemble et communier au même Calice et pour témoigner de Son Saint Nom sur cette bonne vieille terre de France, terre de mission et de vérité, terre d'accueil, de liberté et de fraternité.
Nous nous retrouvons plus particulièrement dans cette grande et ancienne Métropole des Gaules qu'est la ville de Lyon qui est pour nous autres chrétiens, d'Orient et d'Occident, associée à l'un de nos grands saints pères parmi les saints, Irénée de Lyon,
Irénée, le "pacificateur", l'homme de "paix", un des plus grands pères de l'Eglise qui, originaire d'Asie Mineure, de Smyrne, s'inscrivant dans la tradition de Polycarpe, disciple de saint Jean, portant la tradition orientale dans sa conscience, rappelant sans cesse la tradition paulinienne dans ses paroles et ses écrits, Irénée oeuvra lui même et s'intégra à votre exemple ici même, sur cette vieille terre d'Occident, unissant ainsi par son oeuvre théologique et pastorale, et par sa prédication, la tradition romaine à la tradition d'Asie Mineure, la tradition d'Orient et celle d'Occident,
Comme vous, Saint Irénée, l'auteur de la "Démonstration de la prédication apostolique" et du célèbre ouvrage théologique "Contre les hérésies", a été au confluent de beaucoup de choses dont il opéra une synthèse bénéfique à l'Église et à sa théologie.
Il opéra une synthèse en lui même en premier lieu, en discernant à chaque moment de sa vie ce qui relevait de l'essentiel et du structurel par opposition à ce qui relevait du conjoncturel et de l'éphémère, en discernant à chaque moment de sa vie et de sa prédication ce qui était de l'ordre de la vraie Tradition de l'Eglise et ce qui pourrait, par moment, pour des raisons de pures conjonctures sociales, culturelles ou autres, relever du passager, voir même du traditionalisme.

Opérer des synthèses bénéfiques et utiles en nous même en premier lieu afin de pouvoir les opérer au sein de l'Eglise dans un témoignage d'audace et d'amour, c'est en cela que réside la richesse de l'Eglise, dans cette capacité que nous avons, qui nous est accordée par le Seigneur et l'Esprit Saint, de pouvoir inter-agir avec coeur et intelligence et en synergie avec la grâce pour opérer en nous des synthèses et aider les autres à les opérer. « N'y a-t'il pas diversité de dons, mais le même Esprit : diversité des ministères, mais le même Seigneur, diversité d’opérations mais le même Dieu qui opère tout en tous », selon les paroles de Saint Paul aux Corinthiens (Corinthiens 1, 12, 4-7) ?
Irénée est un exemple pour nous tous à plus d'un titre, un modèle, une échelle à suivre qui nous aide à retrouver l'essentiel.
A l'exemple de Saint Ignace d'Antioche et de tant d'autres pères, il s'inscrivait dans une démarche de rassemblement, une démarche d'ouverture et de lien entre les traditions orientales et occidentales de l'Eglise, une démarche dans laquelle l'esprit de l'Église reste en éveil et attentif à l'unité de l'Eglise, dans sa diversité.
N'intervient-il pas, avec déférence et amour, mais avec audace et vérité, auprès du pape Victor pour défendre, à l'occasion de la controverse pascale à propos des pratiques du jeûne, entre les traditions orientales (d'Asie Mineure) et celles d'Occident, "l'unité nécessaire et la diversité légitime", exhortant le pape Victor à "la tolérance en défendant la légitimité d'une certaine diversité des usages au sein de la catholicité" (Bibliothèque d'Histoire du Christianisme, les Pères de l'Église, Volume I, Jacques Liébart) ?
Comme Irénée, nous devons constamment garder le souci de l'unité de l'Eglise et oeuvrer, comme lui, sans cesse, de toutes nos forces et en mettant toutes nos intelligences et nos charismes, en faveur de cette Unité qui doit être non pas un souhait exprimé ici et là mais une réalité que nous construisons ensemble dans la paix et la concordance.
Notre rôle, votre rôle, consiste à comprendre, rapprocher, renouer et rassembler non pas dans une approche "minimaliste", de nivellement vers des compromis sans substance et sans vision, ni non plus dans une approche "maximaliste" d'enfermement et d'entêtement dans une défense du traditionalisme au dépend de la vraie Tradition, mais dans une approche d'amour et de vérité, mettant constamment l'accent sur la recherche de l'Essentiel, de l'Unique nécessaire de nos vies et de notre témoignage.
Nous sommes, mes chers fidèles en Christ, à une étape importante et bénie du rapprochement, de la coopération et du travail commun entre les Eglises orthodoxes. Notre objectif reste et demeure celui d'oeuvrer tous ensembles, dans la concorde, pour une meilleure manifestation de l'unité de notre Eglise et de son expression dans le

monde. Grâce aux efforts de tous les primats et hiérarques des Eglises autocéphales, nous avançons collégialement sur ce chemin de coopération, étroite et commune, sur ce chemin de rassemblement, sur ce chemin de l'unité dans la diversité, qui est le seul que le Seigneur met devant nous en tant qu'Eglise, et le seul qui corresponde en essence à Sa prière au Père "qu'ils soient Un".
Pendant cette période bénie, nous restons conscients des difficultés. Nous ne les occultons point. Mais aussi nous affirmons notre volonté de les affronter et les surmonter selon l'esprit de l'Évangile et selon la tradition de l'Eglise de la même manière dont les frères et soeurs surmontent les difficultés au sein d'une seule et même famille.
C'est ainsi qu'en dépit des difficultés ici et là, nous avons réussi avec nos frères primats des Églises autocéphales orthodoxes à instaurer un climat d'entente et de dialogue fraternel qui a débuté avec la SYNAXE des primats des Eglises orthodoxes locales réunis en octobre dernier à Constantinople au siège du Patriarcat Œcuménique au Phanar à notre invitation. Depuis, les rencontres iréniques et fructueuses se sont multipliées. Nous rendons grâce au Seigneur pour les résultats de la IVème Conférence Pan-orthodoxe Pré-conciliaire tenue à Chambésy en juin dernier, pendant laquelle les délégations de toutes les Églises orthodoxes locales se sont retrouvées pour prier et travailler ensemble et, guidées par l'Esprit Saint, elles ont réussi à confirmer une vision ecclésiale commune et un modus operandi relatif à la question de l'organisation canonique des Églises orthodoxes en Occident, qui est à l'ordre du jour de notre prochain Saint et Grand Concile Pan Orthodoxe.
Nous rendons grâce au Seigneur également pour le climat irénique, fraternel et constructif, dans lequel se sont déroulées les réunions, au Patriarcat Œcuménique, avec Sa Béatitude le Patriarche Daniel, primat de l'Eglise orthodoxe de Roumanie, en juin dernier, et surtout notre rencontre avec Sa Sainteté, le Patriarche Cyrille de Moscou, primat de l'Eglise orthodoxe de Russie, en juillet dernier, avec les délégations qui les accompagnaient.
Votre présence ici et maintenant, vous tous, orthodoxes de France, français de souche ou originaires de pays traditionnellement orthodoxes, est une manifestation d'unité.
L'unité de l'Eglise est un "juste combat" agréable au Seigneur. L'unité de l'Eglise n'est pas le combat des primats et des hiérarques uniquement. C'est aussi l'affaire de chaque fidèle orthodoxe là où il se trouve. C'est notre responsabilité collective, prêtres et laïcs, à tous les échelons de l'Eglise. Aussi je vous exhorte à oeuvrer pour préserver et défendre cette unité et à favoriser le développement de l'esprit de concorde et de coopération entre vous, tout en gardant un vrai discernement sur les difficultés qui sont les nôtres, ici et là.

Nous terminons cette allocution en adressant à nos frères chrétiens, catholiques et protestants, nos meilleures salutations en Christ. Nous saluons plus particulièrement notre frère, Son Éminence le Cardinal Philippe Barbarin et monsieur le pasteur Jean Arnold de Clermont, président de la KEK car notre présence à Lyon s'inscrit comme vous le savez dans le cadre des festivités du 50ème anniversaire de la KEK et des travaux de la 13ème assemblée de la conférence des Églises Européennes. Notre témoignage ensemble en tant que chrétiens et le chemin que nous devons faire ensemble vers l'Unité de l'Église ce sont quelque chose de capital pour le monde d'aujourd'hui.
Que le Seigneur vous accompagne et vous bénisse.

+ Bartholomée 1er,
Patriarche oecuménique de Constantinople

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